Mohamed, 19 ans, expulsé

Ce jeune Marocain sans-papiers a été « reconduit à la frontière » sans avoir pu aller au bout de sa scolarité. Son comité de soutien dénonce une mesure injuste et demande à ce qu’on le laisse finir ses études en France.


« On n’expulse pas les élèves, Mohamed est une exception ». Richard Moyon, porte-parole de Réseau éducation sans frontières (RESF) ne comprend pas. Il ne comprend pas comment l’État a pu expulser ce jeune Marocain de 19 ans, au parcours scolaire satisfaisant et apparemment sans histoires.

Mohamed Abourar a été arrêté le 17 janvier à Paris pour « consommation sur la voie publique d’alcool dans un périmètre interdit ». Ce que le comité de soutien à Mohamed nie en bloc : Mohamed ne boit pas, c’est l’ami qui l’accompagnait qui était alcoolisé. Autre grief : il aurait émis des menaces de mort à l’encontre des policiers, qui ont porté plainte. L’affaire sera classée sans suite. Qu’importe, Mohamed est sans-papiers, il est conduit au centre de rétention de Vincennes.

Le 23 janvier, et malgré les tentatives de son comité de soutien, Mohamed est expulsé vers le Maroc. Il n’a pu voir ni son père ni ses amis depuis son arrestation ; ils se sont juste croisés au tribunal. « On a été avisé à 4 heures du matin, on a essayé de se mobiliser rapidement. Malheureusement, on est arrivé un peu tard (à l’aéroport, ndlr) puisqu’il était 7h20. On a tourné sur des terminaux, au terminal 3 on a regardé le vol : Casablanca, 7h35 », raconte Boubakar Mazari, professeur au lycée Valmy de Colombes (Hauts-de-Seine), où était scolarisé Mohamed.

« C’est clairement une injustice »

Le jeune lycéen, qui préparait un bac professionnel Hygiène et Environnement, a retrouvé sa mère et ses frères et sœurs, près d’Agadir. Un endroit qu’il a quitté à ses 13 ans, en 2004, pour rejoindre son père, en France depuis 1977. Sur place, des correspondants RESF s’occupent de lui, comme c’est souvent le cas lorsque des jeunes sont expulsés de France. « Son moral n’est pas terrible, parce que c’est un choc. Ça a été fait dans la précipitation, on ne lui a pas donné le temps de s’exprimer », regrette Boubakar Mazari, qui l’a eu au téléphone.

A Colombes, la mobilisation s’organise. Tous ne l’ont pas connu mais l’indignation est générale. « Dans notre lycée, on a été choqué, parce que c’est clairement une injustice », confie Fady Chahed. Cet élève de Valmy ne connaissait Mohamed que « de vue » mais a décidé de rejoindre le comité de soutien parce que « c’est arrivé à Mohamed dans notre lycée, mais ça peut arriver à n’importe quel autre sans-papiers dans un autre lycée ». L’incompréhension est d’autant plus grande que l’Aide sociale à l’enfance a fait signer à Mohamed un contrat jeune majeur à ses 18 ans, en mars dernier, afin de l’aider dans son projet professionnel.

Tracts et pétition

Malgré la situation, les troupes ont bon espoir que la situation s’arrange. Tous n’ont qu’un nom à la bouche : Suzilène. Cette jeune capverdienne sans-papiers du même lycée Valmy avait été expulsée en octobre 2006. Après quatre mois de mobilisation, proches, associatifs et politiques avaient réussi à la faire revenir. Tous aujourd’hui s’inspirent de la mobilisation d’alors pour essayer de faire revenir Mohamed. « On va réussir, forcément. Un garçon de 18 ans comme Mohamed ne peut pas être expulsé. La réaction des élèves et des profs est une réaction de salubrité publique », assure, confiant, Richard Moyon. « C’est quand même un citoyen comme un autre. Il est à l’école, il n’a pas de casier judiciaire … Laissons-le terminer sa scolarité », réclame Fady Chahed.

Pour attirer l’attention sur son combat, le comité de soutien distribuera des tracts et fera signer sa pétition pour le retour de Mohamed samedi 30 janvier à Paris, durant la manifestation nationale pour l’éducation. Autre rendez-vous d’importance, mercredi, devant le ministère de l’Immigration. Une délégation a demandé à être reçue.

Elsa Maudet

Une réponse à “Mohamed, 19 ans, expulsé

  1. choquant !!!… et article super bien écrit 😉

Laisser un commentaire